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Les combats majeurs du 63e RI

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Berru et pente du mont Berru visible derrière le village

Reims le canal

Saint-Léonard

Sur les pentes du mont Berru

Combat de Saint-Léonard -24, 25 et 26 septembre 1914


C'est au camp de Mourmelon le lundi 21septembre 1914 à 4 heures du soir que l'ordre de rejoindre Reims est notifié au Lieutenant-colonel Paulmier.


Pour parcourir la distance qui les sépare de leur but une marche de nuit de 40 kilomètres est effectuée en traversant les villages de la montagne champenoise.


Vers les 8 heures du matin la colonne des soldats du Limousin pénètre dans Reims par le faubourg Sainte-Anne où le bruit sourd des obus de gros calibre se répercute sur les façades des immeubles branlants de la vieille cité.


Le 63e occupe une ligne qui va du quartier de cavalerie à Saint-Léonard jusqu'aux passages de la Vesle et du canal.


Jeudi 24 septembre 1914 - 18 heures


L'offensive Française pour l'enlèvement du massif du Berru vient d'être déclenchée, c'est au tour du régiment d'être engagé dans la gigantesque bataille qui se dessine en Champagne.




Les sections d'assaut des 1er et 3e bataillons du 63e sont en ordre parfait et prêt à porter l'action sur l'objectif désigné ; La voie ferrée du C.B.R. (chemin de Fer de la Banlieue rémoise) qui se trouve à 500 mètres de là.


C.B.R. - Chemin de Fer de la Banlieue rémoise

Les soldats du 63e parcourent d'un bond la distance qui les sépare du talus légèrement surélevé de la voie ferrée d'où ils se regroupent en une ligne étendue avant d'aborder la deuxième phase de la mission prévue pour le lendemain matin. Objectif : appuyer la division de gauche qui attaque dans la direction de Cernay et la division de droite qui s'élance à l'attaque du fort de la Pompelle. (Extrait du JMO)


Vendredi 25 septembre 1914


L'aube est remplie de fumée acre qui prend à la gorge et d'éclaires lumineux aveuglants. Les déflagrations des gros obus se succèdent à un rythme effréné. Dans un souffle irrésistible ils creusent de profonds cratères et noircissent la terre crayeuse qu'ils extraient et projettent à des dizaines de mètres aux alentours.


L'attaque est déclenchée en direction du point de ralliement : la ferme isolée que l'on distingue à travers la fumée, à environ un kilomètre de là, (la ferme de la Jouissance située sur la route de Chalons).


Exposé à un feu violent, le 63e progresse par petits bonds en s'abritant derrière des abris insignifiants et dérisoires de bottes de paille, de buissons rabougris et de trous d'obus.


Les pertes s'accumulent, 143 soldats vont ainsi tomber pendant la progression sur cette terre de Champagne. Les pertes sont autant du au feu précis des batteries ennemies qu'au mauvais soutien de l'artillerie française qui faute de posséder des réserves suffisantes d'obus de 75mn, tir à l'économie.


La nuit est déjà tombée quand les soldats épuisés par ces heures de progressions lentes et pénibles arrivent à s'incruster dans et autour de la ferme en ruine.(Extrait du JMO)


Samedi 26 septembre 1914


L'aube perce avec difficulté un épais brouillard d'automne qui enrobe la terre et les hommes de son cocon ouaté. Visibilité nulle, on ne voit guère à plus de 10 mètres devant soi.


Les Hommes se préparent à reprendre la progression, quand soudain, un feu destructeur se rallume sur tout le secteur, il s'amplifie en un roulement sourd qui progresse lentement en direction de la ferme où il semble s'arrêter un instant avant de glisser progressivement vers l'arrière.


Le vacarme cesse aussi rapidement qu'il a commencé et laisse place à un murmure métallique, un cliquetis d'armes qui s'entrechoquent, aussitôt couvert par un cri de surprise qui s'élève brusquement des ruines, la parois blanche se déchire en mille éclats de faces crispées, de casques à pointes, de bottes de cuir et de mains armées, à peine le temps de décharger à bout portant une ou deux cartouches et la première ligne tenue par la 5e et 6e compagnies est irrésistiblement enfoncée.


Une marée hurlant de troupe d'assaut boche déferle sur les ruines de la ferme de la Jouissance, nos soldats sont rejetés en pagaille sur la voie ferrée du C.B.R., cette position de replis devient vite intenable et n'est plus qu'une effrayante mêlée où les hommes hurlants et vociférants s'agrippent, s'étripent et se foudroient dans un gigantesque et effroyable corps à corps. Des camarades tombent, disparaissent littéralement engloutis, happés dans cette marée vert de gris.(Extrait du JMO)


Témoignage


Le 26 septembre 1915 le capitaine Olinet tombe pour la France


Le 5 janvier 1915


Madame,


Pardonnez-moi si je ne vous ai pas plus tôt écrit et exprimé ma profonde sympathie pour le malheur qui vous a frappée mais je savais que l'on vous tenait dans l'ignorance de ce malheur, et j'attendais le moment où vous connaîtriez toute la vérité pour vous donner quelques détails sur la mort glorieuse de votre mari.


Vers le 20 septembre, après la bataille de la Marne à laquelle nous avons pris part, nous étions en réserve au camp de Châlons, lorsque brusquement, par une marche forcée, on nous dirigea sur Reims d'où l'ennemi venait d'être délogé , mais où on craignait qu'il rentre à nouveau. Nous passions dans les environs de Reims les journées des 22,23, 24 septembre. Le 25 l'attaque était ordonnée contre les positions occupées par l'ennemi au nord-est de la ville, et le 2ème bataillon, franchissant le canal au village de St Léonard, s'établissait sur la voie ferrée de Reims à Châlons, qui, se trouvant en remblai, domine la plaine.


Deux compagnies étaient retranchées dans la plaine à 400 mètres en avant de la voie ferrée. En arrière d'elles la 8ème compagnie, celle de votre mari, avec le commandant Gueytat et les mitrailleuses, se trouvaient en réserve à la voie même.


Le 26 septembre, vers 4 heures, le jour pointait à peine et un brouillard couvrait la plaine, lorsque brusquement les deux compagnies qui se trouvaient en avant virent surgir devant elles une longue ligne allemande d'infanterie qui se jeta sur elles. Ces deux compagnies résistent un instant, puis submergées par la vague allemande qui comprenait toute une brigade de la garde prussienne, elles sont décimées ou emportées par le flot. Tous les officiers de ces deux compagnies sont tués (capitaine Pasteau, s/lieutenant Tournié, s/lieutenant Aymard) ou blessés (capitaine Colin, s/lieutenant Plagnaud, etc…). La vague allemande arrive ainsi d'un sol élan jusqu'au remblai de la voie ferrée. Mais là, elle est arrêtée net par la 8ème compagnie qui avec une énergie admirable, résiste seule pendant vingt minutes. Le commandant fit demander du renfort, mais ce renfort ne put arriver à temps. Malgré son courage, la 8ème compagnie ne peut tenir plus longtemps, parce que la ligne ennemie beaucoup plus forte finit par la déborder et la tourner. Alors tous les braves qui restent encore debout fusillés de tous côtés tombent et de cette compagnie qui comptait près de 300 hommes une quarantaine à peine s'échappaient et parvenaient à franchir le canal, avec le s/lieutenant de réserve Andrivet, blessé. Le capitaine Olinet avait été tué de deux balles, au pied même du remblai du chemin de fer, et tout près du commandant Gueytat. Tous les deux, ils avaient jusqu'au bout stimulé l'énergie de leur troupe et donné le plus admirable exemple de bravoure. Les Allemands arrivèrent jusqu'au canal, et nous ne pûmes leur reprendre le terrain que le lendemain matin. Nous y retrouvâmes les corps de nos chers camarades, ainsi que quelques officiers blessés (capitaine Colin, s/lieutenant Chambenoit).


Le colonel fit porter au village de Cormontreuil, aux portes de Reims, les corps des officiers. Il leur fit confectionner des cercueils, et préparer des tombes au cimetière du village, et c'est là qu'ils furent inhumés le 29 au matin, avec les honneurs militaires, au milieu même de la bataille, car les obus tombaient encore autour du cimetière. Des croix portant des inscriptions indiquent les places : le commandant Gueytat repose au milieu, encadré d'un côté par le capitaine Olinet, de l'autre par le capitaine Pasteau et le s/lieutenant Gandois (l'ancien sergent major de votre mari). Le s/lieutenant Tournié est un peu plus loin. Le 2ème bataillon était encore au feu le jour des obsèques, nous ne pûmes donc y assister. Ce n'est que deux jours plus tard Que, ramenés en arrière pour nous reconstituer, nous pûmes rendre les derniers devoirs à nos chers morts. Au nom du deuxième bataillon, et comme ami personnel, je déposais sur la tombe de votre mari une gerbe de fleurs cueillie par ses soldats.


Je ne puis vous exprimer, Madame, le chagrin que m'a causé personnellement la mort de votre mari. C'était un si bon camarade, doux, affable, toujours de bonne humeur et prêt à rendre service. Quoique ne nous connaissant que depuis son arrivée à St Yrieix, nous nous étions liés d'amitié, ayant sympathisé tout de suite et naturellement. Et pendant les longues marches d'août et septembre, nous avions beaucoup causé ensemble et échangé nos espoirs. Hélas son heure a bientôt sonné et la mienne sonnera peut-être bientôt, car cette guerre est terrible et les officiers paient un lourd tribut. Heureux ceux qui, comme votre mari, sont frappés brusquement en pleine action, ne laissant derrière eux que regrets, admiration et sympathies !


Le médecin major qui a examiné les blessures de votre mari, m'a dit qu'il a dû être tué sur le coup, comme le commandant Gueytat d'ailleurs, ils ont été foudroyés. Je pense que l'on a dû vous faire parvenir les objets trouvés sur lui, ainsi que sa cantine. Je n'ai pas besoin de vous dire que je suis à votre disposition pour toute démarche ou tout autre renseignement dont vous auriez besoin. Soyez courageuse Madame. Toutes les femmes de France doivent l'être en ce moment ; et, vous, vous avez à élever deux petits Français, dont l'honneur sera d'être les fils d'un officier mort dans les circonstances les plus belles, les plus glorieuses. C'est au nom de tout le deuxième bataillon dont je suis maintenant le chef, que je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de notre plus profonde et respectueuse sympathie.


PENAVAYRE 63ème Régiment d'Infanterie secteur postal 90


Tous nos remerciements à Bernard Olinet pour ce document.




Les officiers touchés à mort s'effondrent, l'un après l'autre, le commandant Gueyat foudroyé à bout portant se tasse sur lui-même et s'écroule.(Extrait du JMO)


Par petits groupes qui se protègent et se soutiennent mutuellement les hommes reculent avec difficulté jusqu'au canal où, là, enfin, les débris des unités arrivent à se regrouper grâce à l'action énergique de sous officiers et à organiser un solide point de résistance. Les camarades du 291e régiment qui tiennent le pont de St Léonard dans le secteur voisin arrivent en renfort. (Extrait du JMO)



Les soldats du 63e et du 291e mitraillent à tout venant la horde ennemie qui semble marquer une hésitation devant la résistance acharnée des Français puis le brouillard commençant à se dissiper, le canon de 75 peut enfin entrer en action, le résultat est foudroyant, les Allemands sont fauchés et déchiquetés par groupes entiers et se mettent à refluer en désordre vers leur ligne dans un sauve qui peut général. Ils laissent en quelques dizaines de minutes un bon millier de cadavres et de très nombreux blessés sur le terrain.(Extrait du JMO)


Maigre consolation pour le régiment qui vient de perdre dans ce terrible combat au corps à corps 11 officiers et 559 soldats.


Pour le régiment, Saint-Léonard inaugure le temps des offensives et contre offensives à outrance où les poilus du 63e payeront de leur sang et de leurs larmes le prix particulièrement élevé de ces combats acharnés. Combats acharnés mais qui resterons malheureusement sans grande incidence sur le tracé du front qui restera figé sur le sol et le sous-sol de notre terre de France pour de longs mois.(Extrait du JMO) (Extrait du JMO)


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